La vie devant soi
Simon Delattre compagnie Rodeo Théâtre
Critique
Madeleine Béranger
Le metteur en scène et marionnettiste Simon Delattre s'empare du chef d'oeuvre de Romain Gary. Un pari sensible et réussi.
Adapter à la scène le roman culte de Romain Gary/Émile Ajar s’avérait être un défi de taille pour ce jeune metteur en scène Simon Delattre, formé à l'école de la marionnette de Charleville-Mézières (et qui a déjà quelques spectacles à son actif).
Pour cette nouvelle création, il s’entoure d’une équipe à la hauteur de ce défi. La pièce commence toute en émotion sur les premières notes de « Du bout des lèvres » de Barbara, interprétée par la chanteuse et musicienne Nabila Mekkid, qui de sa voix profonde et écorchée nous embarque dans l’histoire de Momo (impressionnant Tigran Mekhitarian) et de Madame Rosa (énergique Maia Le Fourn) - histoire que nous ne nous lassons pas de lire et de relire avec le même plaisir.
Autour de ces deux protagonistes gravitent d’autres personnages, des marionnettes manipulées avec virtuosité par Nicolas Gousseff : le docteur Katz et monsieur Hamil. Il est important ici de souligner le travail considérable d’adaptation du roman - qui tient en environ 1h40 de spectacle - signée Yann Richard ainsi que l'esthétique scénographie de Tiphaine Monroty.
Une heure et quarante minutes tenues et rythmées au cours desquelles théâtre, marionnettes et musique dialoguent et se répondent souvent dans une grande justesse, toujours avec sensibilité. Nous suivons donc le récit de ce petit garçon arabe Momo et de Madame Rosa, vieille femme juive qui a du se « défendre avec son cul » pour reprendre les mots de l’auteur et qui a recueilli Momo pour toucher un mandat à la fin du mois.
Ce que l’on sent d’emblée dans ce spectacle, c’est l’amour que le metteur en scène a pour ces personnages de fiction : La vie devant soi transpire la poésie et l’émotion. Entre présent et passé, narration et incarnation, Momo nous fait voyager dans les souvenirs fondateurs de son enfance : ses errances nocturnes dans les rues de Belleville, sa découverte d’un studio de doublage (scène qui par ailleurs fonctionne parfaitement dans le décalage), ses conversations sur Victor Hugo avec Monsieur Hamil... jusqu'à la mort de Madame Rosa, inéluctable.
« Est ce qu’on peut vivre sans amour ? » se demande Momo au début de la pièce. Et d’y répondre à la fin : « il faut aimer ».
On a tendance à oublier parfois comme la simplicité se suffit à elle même. La vie devant soi, au delà d’être un spectacle réussi, est tout simplement nécessaire par les temps qui courent.
15-18 jan 2019 : CDN de Sartrouville
24-26 janvier : Théâtre Massalia, Marseille (13)
29 janvier à 20h : Théâtre de Grasse
1 fév : La Garance, Scène Nat. de Cavaillon (83)
6-8 mars : TJP, CDN D'Alsace, Strasbourg (67)
21 mars : Méliscène / Espace Athena, Auray (56)
30 avril : Théâtre de Laval