CECILE
Marion Duval
Le show complètement fou de Cécile Laporte
Madeleine Béranger
Le rideau s'est levé à la Chartreuse cet été sur le spectacle « Cécile », véritable ovni théâtral de la sélection suisse, qui n’a laissé personne indemne à la sortie. A la mise en scène : Marion Duval, à la tête de la compagnie Chris Cadillac fondée en 2010 et au sein de laquelle elle créera notamment le spectacle Clap Trap ! (avec Marco Berretini en 2016) et plus récemment Le spectacle de merde. Une chose est sûre : Duval est une artiste à suivre, qui se démarque dans le paysage contemporain théâtral par son côté provoc, loin, très loin des sentiers battus.
Le spectacle Cécile tire son nom de la performeuse hors norme Cécile Laporte, qui, pendant près de trois heures, se livre à un face à face avec le public à la fois intimiste et complètement déjanté. Pendant près de trois heures donc, Cécile raconte ses mille et unes vies, avec une familiarité presque déconcertante. Son passé d’accompagnatrice non diplômée pour personnes handicapées, ses années passées à faire clown dans les hôpitaux, son engagement écologique à la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes, ses expériences chamaniques, son séjour en hôpital psychiatrique et bien d’autres choses encore. La parole de l’interprète s’improvise en direct suivant un canevas divisé par chapitres, mais lui laissant toute la latitude d’interagir avec le public, ce qu’elle s’exerce à faire avec une virtuosité rarement vue. Ainsi, on se souviendra notamment avec délice d’un moment improvisé avec une spectatrice dans un duo de clowns de près de quinze minutes. On se souviendra également de la force de persuasion de la performeuse, qui sur un coup de tête et contre l’avis des ouvreur.ses réussira à faire déplacer toute la salle pour aller voir une chapelle, située à un autre endroit de la chartreuse. Irrévérencieuse, pleine de malice, Cécile n’a pas non plus froid aux yeux quand elle décide de slamer dans le public (qui en redemande !) en costume de clown.
Une chose est sûre : Cécile Laporte est un ovni qu’on a envie d’aimer, à l’image du geste esthétique de Marion Duval. Car si le spectacle parait simple de prime abord dans son dispositif très frontal, certains tableaux s’avèrent être de véritables bijoux visuels. Des mannequins constituant des corps nus de militants zadistes face à un groupe de CRS, dans lequel Cécile apparait nue, évoquant une image presque christique. Des marionnettes géantes manipulées par les régisseur.ses plateau (dont Marion Duval) représentant des infirmiers d’un hôpital psychiatrique venant interner la protagoniste. Ou encore, le grand final : une gigantesque tête à l’effigie de Cécile, qui apparait au plateau, dans une dimension quasiment carnavalesque.
En offrant un show taillé sur mesure à son interprète, Duval nous prouve à quel point l’intime est politique. Le parcours marginal de Cécile Laporte est une bouffée d’air frais dans les esprits et les corps, à tel point que certain.es spectateur.ices se sont à leur tour déshabillé.es lors des applaudissements, à l’image des militants des ZAD face aux nuages de gaz lacrymogène. Un spectacle coup de poing, furieusement nécessaire.
> Spectacle à découvrir au CDN d'Orléans les 18 et 19 janvier 2024
Avec Cécile Laporte.
Conception Marion Duval et Luca Depietri (KKuK).
Dramaturgie Adina Secretan.
Costumes Severine Besson.
Son et musique Olivier Gabus.
Scénographie et lumières Florian Leduc, en collaboration avec Djonam Saltani et Iommy Sanchez.
Vidéo et régie générale Diane Blondeau.
Assistanat et chant Louis Bonard.
Animation 3D Iommy Sanchez et Lauren Sanchez Calero.
Production Chris Cadillac. Coproduction Arsenic – Centre d’art scénique contemporain, Lausanne ; Théâtre Saint-Gervais, Genève. Avec le soutien Pro Helvetia - Fondation Suisse pour la culture ; Loterie romande ; Pour-cent culturel Migros ; Fondation Ernst Göhner ; Fondation Engelberts ; Corodis. Soutien à la recherche La Manufacture. Coréalisation SCH – Sélection Suisse en Avignon, la Chartreuse-CNES de Villeneuve lez Avignon.